Témoignage de Sophie, qui nous partage la façon dont se laisser traverser par la souffrance peut permettre « la sensation chaude et confortable d’être en excellente compagnie avec… moi-même » – Merci Sophie🙏
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Un jour comme les autres, je pris soudain conscience d’un fait choquant : cela faisait tout juste trois mois que personne ne m’avait appelée ou même adressé la parole personnellement. Trois mois que je n’avais échangé avec aucun être humain en dehors du facteur ou de mes clients par téléphone. Pourtant dotée d’une grande famille, je n’avais personne à appeler non plus. La journée fut lourde et lente. Des questions sur l’utilité de mon existence déchiraient mon esprit comme autant de lames acérées. J’avais des vertiges.
Le soir, accoudée à ma fenêtre, contemplant la nuit (j’ai toujours aimé le concert des chouettes à la nuit tombée), l’idée me vint que si je mourrais à cet instant, personne ne s’en rendrait probablement compte avant plusieurs semaines. Je vacillais. J’eus l’impression de chuter dans un puits sans fond. J’eus l’impression que ma colonne d’air venait de se refermer. Je ne pouvais plus respirer. N’ayant aucune idée de la façon de stopper cette chute vertigineuse, je pensais alors qu’il était plus que probable que cette situation perdure jusqu’à la fin de ma vie, dans 20, 30 ou même 40 ans. Je n’ai jamais été très douée socialement. Me faire des amis, et surtout les garder, représentait un effort désormais trop lourd à fournir. Plus personne ne s’intéresserait jamais à moi, je n’aurai plus la force de me faire des amis, aucun homme ne me prendrai plus jamais dans ses bras, je passerai de longues années dans une solitude infinie. Je tombais dans le gouffre et la chute était sans fin.
J’avais 45 ans et la vie ne m’avait pas fait beaucoup de cadeaux. J’étais déjà passée par de très sombres moments. Mais celui-ci ne semblait aboutir nulle part sinon dans les limbes. Je n’en voyais ni fond ni issue. Je n’avais plus le choix. Je prenais conscience que mon isolement définitif était certain.
Dans les jours qui suivirent, je traversais les enfers. J’allais jusqu’au bout du désespoir et de la peine parce que je n’avais plus le choix. Je me levais la nuit pour pleurer et hurler le rejet, l’absence, l’abandon, l’envie de mourir. Je n’arrivais plus à rien faire d’autre. J’étais comme un marin dans la tempête, je m’accrochais au bastingage sans savoir si j’en réchapperai ou non. La foudre me toucha de nombreuses fois et de nombreuses fois je failli passer par-dessus bord. Je serai seule pour toujours. Puis-je vraiment vivre seule ? Puis-je vivre sans compagnon, sans ami, sans un seul numéro de téléphone à composer ? Sans voix amie à entendre ? Que deviendrai-je ? La folie me prendra-t-elle ? Comment trouver la force de continuer ? De travailler ? Les projets et les échanges avec les autres ne sont-ils pas indispensables ? Aurai-je ainsi raté ma vie ? Me retrouverait-on un jour, gâteuse avec 10 chats, dans un taudis ? Peut-être, surement.
J’y laissais mon dernier espoir et les vagues de souffrance me traversèrent alors sans obstacle. Il n’y eut plus de résistances et plus de pensées.
Au matin, le calme revint. Un calme d’aurore dans le plein été avec un ciel doux et rose. Toute la souffrance avait disparu. Totalement disparu. Les questions, les pensées, les peurs, les manques et les besoins, tout avait disparu. A la place, la sensation chaude et confortable d’être en excellente compagnie avec… moi-même. Je ne suis plus seule, je ne l’ai jamais été et ne le serai jamais. Je suis ma propre meilleure amie et cette découverte a tout changé.
Je suis complète et libre, même pour 40 ans.
Sophie
Sophie présente un TSA Trouble du Spectre de l’Autisme : cette expérience de Vie peut parler tout particulièrement aux personnes avec TSA… elle peut aussi parler à tous.
NB : Photo prise par Sophie
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